3e Civ., 25 janvier 2024, n° 22-22.036, (B), FS
Cassation
Règlement – Clause relative à la répartition des charges – Clause contraire aux dispositions d’ordre public – Clause réputée non écrite – Nouvelle répartition – Effets – Fixation des modalités imposées par le respect de l’ordre public – Office du juge
Lorsqu’il relève qu’une clause contestée du règlement de copropriété relative à la répartition des charges n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires, le juge doit, d’une part, non pas annuler, mais réputer cette clause non écrite, d’autre part, procéder à une nouvelle répartition des charges en fixant lui-même toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 15 février 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 17-25.845) M. [W] est propriétaire depuis 2009 du lot n° 5 dans l’immeuble situé [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété et dont l’état descriptif de division a été modifié à plusieurs reprises entre 1968 et 2002, sans que le règlement de copropriété, établi en 1964, ne le soit.
2. Il a assigné le syndicat des copropriétaire du [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) en annulation de la clause de répartition des charges du règlement de copropriété, en établissement d’une nouvelle répartition des charges, et en remboursement des charges indûment payées depuis le 4 septembre 2009.
Examen du moyen
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
3. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité de la clause de répartition des charges résultant du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division initiaux du 22 juin 1964 et, en conséquence, d’ordonner une nouvelle répartition des charges conforme aux modifications apportées dans les parties privatives par les modificatifs au descriptif de division opérées sur ces parties privatives depuis le 22 juin 1964 et cela en fonction des critères fixés à l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, alors « que lorsque le juge répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède lui-même à la nouvelle répartition sans pouvoir faire fixer cette dernière par l’assemblée générale ; qu’en ayant ordonné une nouvelle répartition des charges après avoir prononcé la « nullité » de la répartition des charges d’origine, sans procéder elle-même à cette nouvelle répartition des charges et fixer toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose, y compris la création des charges spéciales lorsqu’elle s’avère indispensable au regard de la loi, la cour d’appel a violé l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. M. [W] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu’il est contraire aux écritures d’appel, dès lors que le syndicat des copropriétaires concluait au rejet de la contestation élevée à l’encontre de la régularité de la clause de répartition des charges, sans solliciter, à titre subsidiaire, l’établissement d’une nouvelle répartition.
5. Cependant, le juge, qui répute non écrite une clause de répartition des charges, est tenu, par l’effet même de la loi, d’en ordonner une nouvelle.
6. Le moyen, qui n’est pas contraire aux écritures du syndicat des copropriétaires devant la cour d’appel, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l’article 43 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 :
7. Aux termes de ce texte, toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites. Lorsque le juge, en application de l’alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition.
8. Il en résulte que, lorsqu’il relève qu’une clause contestée du règlement de copropriété relative à la répartition des charges n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires citées, le juge doit, d’une part, non pas annuler, mais réputer cette clause non écrite, d’autre part, procéder à une nouvelle répartition des charges en fixant lui-même toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose.
9. Ayant retenu qu’à la suite de plusieurs modifications de l’état descriptif de division qui avaient supprimé, ajouté ou divisé des lots, la clause de répartition des charges du règlement de copropriété n’était plus conforme à l’article 10 de la loi précitée, la cour d’appel l’a déclaré « nulle » et a ordonné que soit faite une nouvelle répartition « conforme aux modifications apportées dans les parties privatives par les modificatifs au descriptif de division, opérées sur ces parties privatives depuis le 22 juin 1964 et cela en fonction des critères fixés à l’article 10 de la loi. »
10. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas rempli son office, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes.
Arrêt rendu en formation de section.
– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Grandjean – Avocat général : Mme Morel-Coujard – Avocat(s) : Me Guermonprez ; SCP Piwnica et Molinié –
Textes visés :
Article 43 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019.
Rapprochement(s) :
3e Civ., 22 juin 2005, pourvoi n° 04-12.659, Bull. 2005, III, n° 139 (rejet).
Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Janvier 2024