Décès d’un copropriétaire vivant seul

Un de nos adhérent a été confronté à ce problème et nous a posé la question suivante :

« Nous avons un copropriétaire qui est décédé chez lui sans laisser sa clef pour un accès libre à son appartement à notre connaissance. Quels sont nos recours ? car un nettoyage serait nécessaire pour une bonne salubrité. De plus, ce copropriétaire ne répondait pas depuis plus de 8 mois au syndic tentant de le joindre pour un dégât des eaux ayant eu lieu dans le plancher de cet appartement et celui d’en dessous. »

Et donc se pose la question suivante : En l’absence d’interlocuteur, comment savoir pour le syndic et le syndicat des copropriétaires quels sont les éventuels ayants droit ?

La réponse faite par un de nos juriste a été la suivante :

I / L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que :

« I.-Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

Les travaux supposant un accès aux parties privatives doivent être notifiés aux copropriétaires concernés au moins huit jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens. »

Le principe est donc clair : un copropriétaire doit laisser le libre accès de son logement à toute entreprise mandatée par le syndic.

Toutefois, en cas d’impossibilité de pénétrer dans les lieux, alors que l’urgence l’exigerait ou encore de résistance injustifiée du copropriétaire, seul le juge est compétent pour autoriser l’accès aux parties privatives de tel ou tel lotNB :  en l’espèce, tant qu’aucun acte de notoriété n’a été notifié au syndic par un notaire,  c’est le défunt qui est toujours considéré avoir la qualité de copropriétaire ; donc la procédure devra être engagée contre lui.

Attention : pénétrer dans un logement sans autorisation des occupants ni autorisation judiciaire, c’est s’exposer à une lourde condamnation pour violation du domicile.

Lorsqu’il est établi qu’un copropriétaire s’est opposé sans motif légitime à l’exécution de travaux à l’intérieur de son lot, il commet une faute engageant sa responsabilité, de sorte qu’il devra indemniser le syndicat des copropriétaires pour résistance abusive.

II / Le décès du copropriétaire ouvre la succession ; c’est à cet instant que les héritiers (conjoint survivant, descendant(s) ou ascendant(s)) peuvent être connus par le syndicat des copropriétaires.

Le syndic en est  informé par le notaire auprès duquel  la succession est ouverte ; ce dernier établira un acte de notoriété qui opère le transfert de propriété des biens à compter de la date du décès.

Tant que ce document n’a pas été notifié au syndicat des copropriétaires, il n’y a pas transfert de propriété (le copropriétaire décédé est toujours juridiquement copropriétaire).

Dans ce cas, il convient  d’inciter le syndic à relancer fréquemment le notaire pour savoir s’il y a des héritiers connus et s’ils ont accepté ou renoncé à la succession.

NB : si tous les héritiers ne sont pas connus, le notaire peut faire procéder à une recherche d’héritiers par le biais d’un généalogiste.

Malheureusement, il arrive que la succession tarde à se régler en raison de l’absence de manifestation d’un notaire ou encore de l’absence d’héritier.

Le syndic doit alors réagir rapidement pour éviter que la dette de la succession vis-à-vis de copropriété ne s’alourdisse.

Que doit-il faire concrètement  ?

La première étape sera d’obtenir la copie de l’acte de décès, pour connaitre la date du décès qui est inscrite en marge de l’acte de naissance.

L’acte de décès peut être demandé, sans justifier d’une qualité particulière, auprès des services d’état civil de la commune du lieu du décès ou du domicile du défunt. Il est gratuit. Certaines communes disposent d’un service en ligne.

Ce document va permettre de consulter le Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés (FCDDV) qui centralise tous les dépôts auprès d’un notaire d’un acte contenant une « disposition de dernière volonté » via l’Association pour le développement du service notarial (ADSN) pour connaitre l’existence éventuelle d’un testament ou d’un acte de dernières volontés et l’identité du notaire qui l’a reçu.

Le syndic devra se mettre en relation avec ce dernier. Si celui-ci n’a pas été saisi de la succession ou si aucune formalité n’a été enregistrée sur le site, il est possible que la succession puisse être qualifiée de vacante.

Aux termes de l’article 809-1 du code civil, la succession est vacante dans trois cas :

  • L’absence d’héritier connu : personne ne réclame la succession et il n’existe pas d’héritier connu,
  • La renonciation à la succession : il existe des héritiers connus mais tous ont renoncé  à la succession,
  • L’absence d’acceptation tacite ou expresse de la succession par les héritiers à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’ouverture de la succession.

Pour sortir de cette impasse, le syndicat en tant que créancier, peut, en application de l’article 809-1 du code civil, demander par voie de requête une ordonnance de déclaration de vacance avec désignation d’un curateur qui est obligatoirement le service du Domaine.

L’ordonnance fait l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales pour informer les créanciers successoraux.

La mission du curateur est similaire à celle d’un notaire : faire l’inventaire des biens, recenser les créanciers, apurer les dettes, vendre les biens immobiliers le cas échéant.

Pour résumé, en l’absence de notaire ou d’acte répertorié, le syndic devra :

  • Si les charges impayées sont importantes,  préserver les intérêts  du syndicat avec une prise d’hypothèque sur le/les lot(s).
  • Obtenir la communication de l’acte de décès,
  • Consulter le FCCDV,
  • Faire désigner le service des Domaines comme curateur de la succession vacante.

Par ailleurs, alors que les héritiers sont connus, il existe d’autres freins au règlement d’une succession de nature à mettre en difficulté la copropriété notamment sur le plan financier.

Tout d’abord, il peut y avoir des conflits ou désaccords entre les héritiers.

Si c’est le cas,  il est possible de faire application de l’article 813-1 du code civil :

« Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.

La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public. »

La désignation se fait par voie d’assignation en procédure accélérée au fond devant le Président du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession qui est le dernier domicile du défunt  (et non le lieu du décès).

Important : il faudra être vigilant à ce que la mission du mandataire soit complète et qu’elle ne se limite pas à une simple administration. Néanmoins, s’il est autorisé à vendre des meubles et objets mobiliers, il ne pourra procéder à aucune vente immobilière.

Le syndicat n’aura alors d’autres choix, en ayant pris soin de faire inscrire une hypothèque, que d’engager une action en recouvrement à l‘encontre de l’indivision successorale représentée par son mandataire en cas d’impayés de charges.

Ensuite, si un ou des héritier(s) tardent ou refusent de prendre une décision concernant la succession –  à savoir, y renoncer, l’accepter purement et simplement ou l’accepter à concurrence de l’actif net – l’article 771 du code civil dispose que :

« L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession. A l’expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent ou de l’Etat. »

En d’autres termes, le syndicat pourra  donc sommer cet héritier d’avoir à opter, pour le forcer soit à accepter la succession, soit de l’accepter à concurrence de l’actif net, soit de la refuser.

Si l’héritier ne répond pas à la sommation qui lui a été délivrée pendant deux mois, il sera réputé acceptant pur et simple de la succession, comme le dispose l’article 772 du code civil :

« Dans les deux mois qui suivent la sommation, l’héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu’il n’a pas été en mesure de clôturer l’inventaire commencé ou lorsqu’il justifie d’autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu’à la décision du juge saisi. A défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l’héritier est réputé acceptant pur et simple. »

Lorsque l’héritier aura accepté la succession, le syndicat pourra par exemple poursuivre le recouvrement des charges impayées à son encontre dans le respect des conditions et modalités prévues par les textes.

Enfin, si le défunt laisse des dettes importantes, le ou les héritier(s) peuvent  décider de refuser la succession. 

Cette situation doit être actée par le notaire. Les biens reviennent à l’état et sont alors gérées par le service du Domaine et c’est vers lui que devra se tourner le syndic, surtout pour obtenir le paiement des charges qui se seront accumulées, le cas échéant par la voie judiciaire.

En résumé, quand un notaire à la charge de la succession, le syndic devra :

  • En l’absence de notification  d’un acte de notoriété par le notaire, ne pas  modifier la liste des copropriétaires (le  défunt  est toujours considéré comme le copropriétaire),
  • Si les charges impayées sont importantes,   préserver les intérêts du syndicat avec une prise d’hypothèque sur le/les lot(s).
  • Si la succession dure, envisager la désignation d’un mandataire successoral et, au besoin, engager une procédure de recouvrement de charges.

IMPORTANT : POUR TOUTES CES DEMARCHES, LE SYNDICAT DEVRA OBLIGATOIREMENT SE FAIRE ASSISTER PAR UN AVOCAT ET S’ARMER DE BEAUCOUP DE PATIENCE…