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Quitus et responsabilité du syndic

3e Civ., 29 février 2024, n° 22-24.558, (B), FS

Rejet

Action en justice – Action individuelle des copropriétaires – Action tendant à l’annulation d’une résolution d’assemblée générale – Irrecevabilité – Copropriétaire dépourvu de qualité pour agir – Copropriétaire ayant voté le quitus donné au syndic

Le copropriétaire, qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale d’un syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander, en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 12 octobre 2022), Mme [K] (la copropriétaire) est propriétaire d’un lot dans l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 2], soumis au statut de la copropriété, et qui, présentant de graves désordres de structures imposant son étaiement, a fait l’objet d’un arrêté de péril imminent le 15 octobre 2013.

2. Elle a assigné la société Normandie Seine immobilier (le syndic) en indemnisation de préjudices financier et de jouissance subis jusqu’à l’exécution, en 2018, des travaux de réparation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième, cinquième et septième branches

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses troisième et sixième branches

Enoncé du moyen

4. Le syndic fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la copropriétaire certaines sommes en indemnisation de ses préjudices financier et de jouissance, alors :

« 3°/ que le quitus donné par l’assemblée générale des copropriétaires de la gestion du syndic interdit au syndicat des copropriétaires ainsi qu’aux copropriétaires ayant voté en faveur du quitus de rechercher la responsabilité du syndic à raison des faits ou actes portés à leur connaissance lors du vote ; qu’en jugeant que « la mention générale d’un quitus dans les procès-verbaux d’assemblée générale n’est pas de nature à délier le syndic de ses obligations légales d’ordre public et des conséquences responsabilitaires subséquentes.

Le quitus est sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis des copropriétaires », sans rechercher, comme elle y était invitée s’il ne résultait pas des procès-verbaux des assemblées générales de la copropriété versés aux débats par le syndic que les copropriétaires, dont Mme [K], avaient été informés de l’existence de désordres structurels en façade et de la nécessité de réaliser des travaux de reprise, de sorte que le quitus qu’ils avaient donné au syndic mettait la responsabilité de ce dernier à couvert, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil ;

6°/ que seul est indemnisable le préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute source de responsabilité ; qu’en retenant la responsabilité du syndic de copropriété pour avoir tardé à mettre en oeuvre les travaux de réfection de l’immeuble, et en se bornant à affirmer que cette négligence « est à l’origine causale du retard à faire réaliser les travaux, et de la pose d’un étaiement entre la période de 1824 jours comprise entre le 3 octobre 2013 et le 1er octobre 2018 », la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que si les travaux avaient été effectués plus tôt, la pose d’un étaiement, dont la cour d’appel a constaté qu’il avait été mis en place à la suite de la préconisation du BET IDA en octobre 2013, n’aurait pas en tout état de cause été nécessaire et que Mme [K] n’aurait pas subi les préjudices financiers et de jouissance dont elle sollicitait l’indemnisation au titre de la période du 3 octobre 2013 au 1er octobre 2018, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Le copropriétaire, qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander, en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute.

6. La cour d’appel a, dès lors, retenu, à bon droit, que le quitus donné par l’assemblée générale des copropriétaires était sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis de Mme [K], copropriétaire.

7. Elle a, ensuite, relevé qu’en 2010, le syndic avait été alerté sur l’urgence de remédier à des infiltrations causées par le défaut de jointoiement de briques et au gondolement d’une poutre de façade mais qu’il n’avait alors pas sollicité l’avis d’un architecte ou d’un technicien de structure, qu’en 2013, il avait saisi un architecte qui, assisté d’un bureau d’études, avait préconisé la pose en urgence d’un étaiement sur l’ensemble des niveaux afin de stabiliser l’immeuble, et qu’il n’avait pas soumis à l’assemblée générale, avant le 5 octobre 2016, les travaux nécessaires qui, votés, n’avaient cependant été mis en oeuvre qu’en 2018.

8. Elle a pu en déduire que la négligence du syndic, à compter de 2010, était à l’origine du retard de réalisation des travaux et de la pose d’un étaiement qui avait dû être maintenu du 3 octobre 2013 au 1er octobre 2018, et a ainsi légalement justifié sa décision de condamner le syndic à indemniser la copropriétaire des préjudices financier et de jouissance subis.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Grandjean – Avocat général : M. Sturlèse – Avocat(s) : Me Soltner ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés –

Textes visés :

Article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 6 mars 1991, pourvoi n° 89-18.758, Bull. 1991, III, n° 79 (2) (cassation partielle) ; 3e Civ., 5 octobre 1994, pourvoi n° 92-19.764, Bull. 1994, III, n° 159 (2) (rejet) ; 3e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 18-10.379, Bull., (cassation partielle).

Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Février 2024

Règlement de copropriété

3e Civ., 25 janvier 2024, n° 22-22.036, (B), FS

Cassation

Règlement – Clause relative à la répartition des charges – Clause contraire aux dispositions d’ordre public – Clause réputée non écrite – Nouvelle répartition – Effets – Fixation des modalités imposées par le respect de l’ordre public – Office du juge

Lorsqu’il relève qu’une clause contestée du règlement de copropriété relative à la répartition des charges n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires, le juge doit, d’une part, non pas annuler, mais réputer cette clause non écrite, d’autre part, procéder à une nouvelle répartition des charges en fixant lui-même toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 15 février 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 17-25.845) M. [W] est propriétaire depuis 2009 du lot n° 5 dans l’immeuble situé [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété et dont l’état descriptif de division a été modifié à plusieurs reprises entre 1968 et 2002, sans que le règlement de copropriété, établi en 1964, ne le soit.

2. Il a assigné le syndicat des copropriétaire du [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) en annulation de la clause de répartition des charges du règlement de copropriété, en établissement d’une nouvelle répartition des charges, et en remboursement des charges indûment payées depuis le 4 septembre 2009.

Examen du moyen

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité de la clause de répartition des charges résultant du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division initiaux du 22 juin 1964 et, en conséquence, d’ordonner une nouvelle répartition des charges conforme aux modifications apportées dans les parties privatives par les modificatifs au descriptif de division opérées sur ces parties privatives depuis le 22 juin 1964 et cela en fonction des critères fixés à l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, alors « que lorsque le juge répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède lui-même à la nouvelle répartition sans pouvoir faire fixer cette dernière par l’assemblée générale ; qu’en ayant ordonné une nouvelle répartition des charges après avoir prononcé la « nullité » de la répartition des charges d’origine, sans procéder elle-même à cette nouvelle répartition des charges et fixer toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose, y compris la création des charges spéciales lorsqu’elle s’avère indispensable au regard de la loi, la cour d’appel a violé l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. M. [W] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu’il est contraire aux écritures d’appel, dès lors que le syndicat des copropriétaires concluait au rejet de la contestation élevée à l’encontre de la régularité de la clause de répartition des charges, sans solliciter, à titre subsidiaire, l’établissement d’une nouvelle répartition.

5. Cependant, le juge, qui répute non écrite une clause de répartition des charges, est tenu, par l’effet même de la loi, d’en ordonner une nouvelle.

6. Le moyen, qui n’est pas contraire aux écritures du syndicat des copropriétaires devant la cour d’appel, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article 43 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 :

7. Aux termes de ce texte, toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites. Lorsque le juge, en application de l’alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition.

8. Il en résulte que, lorsqu’il relève qu’une clause contestée du règlement de copropriété relative à la répartition des charges n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires citées, le juge doit, d’une part, non pas annuler, mais réputer cette clause non écrite, d’autre part, procéder à une nouvelle répartition des charges en fixant lui-même toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose.

9. Ayant retenu qu’à la suite de plusieurs modifications de l’état descriptif de division qui avaient supprimé, ajouté ou divisé des lots, la clause de répartition des charges du règlement de copropriété n’était plus conforme à l’article 10 de la loi précitée, la cour d’appel l’a déclaré « nulle » et a ordonné que soit faite une nouvelle répartition « conforme aux modifications apportées dans les parties privatives par les modificatifs au descriptif de division, opérées sur ces parties privatives depuis le 22 juin 1964 et cela en fonction des critères fixés à l’article 10 de la loi. »

10. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas rempli son office, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes.

Arrêt rendu en formation de section.

– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Grandjean – Avocat général : Mme Morel-Coujard – Avocat(s) : Me Guermonprez ; SCP Piwnica et Molinié –

Textes visés :

Article 43 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 22 juin 2005, pourvoi n° 04-12.659, Bull. 2005, III, n° 139 (rejet).

Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Janvier 2024

Syndicat secondaire

COPROPRIETE

3e Civ., 30 novembre 2023, n° 22-21.579, (B), FS

Rejet

Syndicat des copropriétaires – Syndicat secondaire – Constitution – Assemblée spéciale des seuls copropriétaires concernés – Convocation du syndicat principal (non)

Il résulte de l’article 27 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 que les copropriétaires des lots concernés par un syndicat secondaire décident seuls de sa constitution dans le cadre d’une assemblée générale spéciale à laquelle le syndicat principal n’est pas convoqué.

Dès lors, l’instance qui a pour objet l’annulation d’une telle assemblée et la suppression consécutive du syndicat secondaire qui y a été créé a pour finalité de juger, au sens de l’article 14 du code de procédure civile, ce seul syndicat secondaire, et le syndicat principal n’a pas à y être entendu ou appelé.

Syndicat des copropriétaires – Syndicat secondaire – Constitution – Assemblée spéciale des seuls copropriétaires concernés – Action en nullité – Droits de la défense – Partie ni appelée en cause ni entendue – Syndicat principal – Portée

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 6 juillet 2022), le 17 décembre 2015, l’assemblée générale spéciale des copropriétaires du bâtiment A de l’immeuble, situé [Adresse 2] à [Localité 8] et soumis au statut de la copropriété, a décidé la création d’un syndicat secondaire du bâtiment A (le syndicat secondaire).

2. Mmes [D], [V], [O], [E], [R], [U], [Y], [S] et [UL] et M. [M], copropriétaires du bâtiment A (les copropriétaires), ont assigné le syndicat secondaire en annulation de l’assemblée générale spéciale.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat secondaire fait grief à l’arrêt d’annuler l’assemblée générale spéciale du bâtiment A du 17 décembre 2015 et de dire que le syndicat secondaire sera en conséquence supprimé, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la constitution ou la suppression d’un syndicat secondaire intéressant directement l’organisation et le fonctionnement de la copropriété, il ne peut être statué sur un litige portant sur l’annulation de l’assemblée spéciale ayant décidé de la création du syndicat secondaire, sans que le syndicat principal des copropriétaires ait été appelé en la cause ; qu’ayant prononcé l’annulation de l’assemblée du 17 décembre 2015 et dit que le syndicat secondaire serait supprimé, sans que le syndicat principal des copropriétaires ait été appelé en la cause, l’arrêt doit être censuré pour violation de l’article 14 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l’article 27 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 que les copropriétaires des lots concernés par le syndicat secondaire décident seuls de la constitution de celui-ci dans le cadre d’une assemblée générale spéciale à laquelle le syndicat principal n’est pas convoqué.

6. Dès lors, l’instance, qui a pour objet l’annulation d’une telle assemblée et la suppression consécutive d’un syndicat secondaire qui y a été créé, a pour finalité de juger, au sens de l’article 14 du code de procédure civile, ce seul syndicat secondaire.

7. En conséquence, le syndicat principal n’a pas à y être entendu ou appelé.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Grandjean – Avocat général : Mme Morel-Coujard – Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Piwnica et Molinié –

Textes visés :

Article 27 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; article 14 du code de procédure civile.

Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Novembre 2023

Détournement de fonds et garantie financière du syndic

COPROPRIETE

3e Civ., 13 juillet 2023, n° 22-14.535, (B), FS

Rejet

Syndic – Responsabilité – Garantie financière – Mise en oeuvre – Référé – Provision – Attribution – Conditions – Obligation non sérieurement contestable

Faits et procédure

1.Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 8 février 2022, RG n° 21/00041), le 31 mars 2018, la société Agences Chauvin immobilier Maurienne (la société ACIM) a informé ses clients, parmi lesquels, le syndicat des copropriétaires de « l’ensemble immobilier » [Localité 5], dont elle était le syndic, de détournements de fonds commis par l’un de ses salariés depuis 2015.

2. Elle a déclaré ce sinistre à sa compagnie d’assurance responsabilité civile, la société Allianz IARD (la société Allianz), et à sa garante financière, la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC).

3. La société ACIM n’ayant pas donné suite à la demande de remboursement des sommes détournées, le syndicat des copropriétaires l’a assignée en référé, ainsi que les sociétés Allianz et CEGC, aux fins de paiement d’une provision correspondant aux sommes détournées majorées du préjudice financier et à titre subsidiaire, d’expertise.

4. Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACIM et désigné la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur, laquelle a été appelée en la cause par le syndicat des copropriétaires.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société CEGC fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer et de la condamner à payer la somme provisionnelle de 231 267,22 euros au syndicat des copropriétaires de « l’ensemble immobilier » [Localité 5], alors :

« 1°/ que la déclaration d’une créance de restitution de fonds prétendument détenus par un professionnel de l’immobilier faisant l’objet d’une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire demeure sans incidence sur l’obligation de mise en oeuvre de la garantie financière obligatoire souscrite par ce professionnel, l’existence de cette garantie serait-elle non contestée ; qu’en jugeant cependant qu’il n’était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l’égard du syndicat des copropriétaires de l’ensemble [Localité 5], pour la circonstance que « la créance a été admise à titre définitif par ordonnance du juge-commissaire », la cour d’appel s’est fondée sur des motifs impropres à établir le caractère non sérieusement contestable de l’obligation de garantie de la société CEGC, violant ainsi le second alinéa de l’article 835 du code de procédure civile ;

2° / que, subsidiairement, la garantie financière obligatoire souscrite par les professionnels de l’immobilier ne peut être mise en oeuvre lorsque la défaillance du professionnel garanti est imputable à ses fautes de gestion, relevant exclusivement de sa responsabilité civile dont les conséquences sont prises en charge par son assureur ; qu’en jugeant cependant qu’il n’était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l’égard du syndicat des copropriétaires de l’ensemble [Localité 5], et que la « garantie responsabilité civile » assumée par la société Allianz, assureur de la société ACIM, revêtait un « caractère subsidiaire » au regard de la garantie financière de la société CEGC, la cour d’appel a tranché une contestation sérieuse relative à l’étendue respectives de la garantie financière de la société CECG et de l’assurance responsabilité civile de la société Allianz, relevant pourtant de champs d’application distincts ; que la cour d’appel a ainsi violé le second alinéa de l’article 835 du code de procédure civile ;

3°/ que, à tout le moins, en jugeant qu’il n’était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l’égard du syndicat des copropriétaires de l’ensemble [Localité 5], sans répondre aux conclusions de la société CEGC faisant valoir que sa garantie financière était exclue puisqu’à supposer que les fonds litigieux aient été remis à titre précaire à la société ACIM, celle-ci les avaient fautivement affectés à d’autres syndicats de copropriétaires pour les besoins d’une opération de « cavalerie », ce qui traduisait l’existence de fautes de gestion relevant exclusivement de la responsabilité civile professionnelle de la société ACIM, et non de sa garantie financière, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 39 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, d’une part, que la garantie financière exigée des personnes exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce s’applique à toute créance ayant pour origine un versement, ou une remise, effectué à l’occasion de l’une de ces opérations, d’autre part, qu’elle produit effet sur les seules justifications que la créance est certaine, liquide et exigible, et que la personne garantie est défaillante, quelle que soit la cause de cette défaillance.

7. Ayant souverainement retenu que l’existence d’un détournement de fonds à hauteur de 231 627,22 euros au préjudice du syndicat des copropriétaires était établie, notamment par un audit comptable et l’admission à titre définitif par le juge-commissaire de la créance pour ce même montant, et relevé que la société ACIM n’avait pas restitué les fonds malgré mise en demeure, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes relatives à l’existence de fautes de gestion de la société ACIM et aux conséquences en découlant quant aux garanties susceptibles d’être mises en oeuvre, en a déduit à bon droit, sans trancher de contestation sérieuse, que l’obligation de garantie n’était pas sérieusement contestable et pouvait donner lieu à l’allocation d’une provision.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Abgrall – Avocat général : M. Brun – Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier –

Textes visés :

Article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ; article 39 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 26 avril 1988, pourvoi n° 86-16.610, Bull. 1988, I, n° 115 (rejet) (2) ; 1re Civ., 21 octobre 2003, pourvoi n° 00-14.659, Bull. 2003, I, n° 200 (rejet), et l’arrêt cité ; 1re Civ., 16 octobre 2008, pourvoi n° 06-16.066, Bull. 2008, I, n° 224 (cassation partielle).

Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Juillet 2023

Notification du procès verbal de l’A.G

3e Civ., 29 juin 2023, n° 21-21.708, (B), FS

Rejet

Syndicat des copropriétaires – Décision – Action en contestation – Délai – Point de départ – Notification – Présentation de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception – Caractère suffisant – Contrôle de conventionnalité – Proportionnalité

En application de l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d’un procès-verbal d’assemblée générale par lettre recommandée avec demande d’avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir.

Une cour d’appel qui, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, relève que cette disposition a pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l’exécution des décisions d’assemblée générale, en déduit exactement qu’en l’absence de disproportion avec le droit d’un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l’assemblée générale, elle ne porte pas une atteinte injustifiée au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 1er juillet 2021), le 5 janvier 2017, la société DESS (la société), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble en annulation de l’assemblée générale du 30 mars 2015, et subsidiairement, de diverses décisions prises lors de cette assemblée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 1°/ que le délai de contestation d’une assemblée de copropriétaires commence à courir le lendemain du jour de la première présentation au domicile du destinataire de la lettre recommandée contenant le procès-verbal de cette assemblée ; que, toutefois, ce délai ne court pas lorsque le pli n’a jamais été retiré, le syndic de copropriété devant, dans cette hypothèse, notifier le procès-verbal d’assemblée générale par voie de signification ; qu’en jugeant que le délai de contestation d’une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, la cour d’appel a violé l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ensemble l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65- 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en relevant d’office, sans provoquer les explications des parties, le moyen tiré de ce que l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-293 du 4 avril 2000, avait pour objectif de sécuriser la gestion des copropriétés, en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l’exécution des décisions de l’assemblée générale, de sorte que ce texte ne portait pas d’atteinte disproportionnée au droit du copropriétaire à un recours effectif et à un procès équitable, la cour d’appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l’article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu’en tout état de cause, un délai d’action ou de recours ne peut courir si l’intéressé n’est pas en mesure d’agir ; qu’en jugeant que le délai de contestation d’une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, et donc même si l’intéressé n’était pas effectivement en mesure d’agir, la cour d’appel a violé l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ainsi que l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu’à tout le moins, tout jugement doit être motivé, et ne peut reposer sur une simple supposition du juge ; que la cour d’appel a elle-même relevé que la date de première présentation de la lettre de notification n’était, en l’espèce, pas renseignée ; qu’en énonçant pourtant qu’au vu de la date d’envoi du courrier, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l’assignation délivrée le 5 janvier 2017, la cour d’appel, qui s’est, ce faisant, livrée à une supposition gratuite, a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. En premier lieu, la cour d’appel a énoncé, à bon droit, qu’en application de l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d’un procès-verbal d’assemblée générale par lettre recommandée avec demande d’avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir, dès lors que l’article 670-1 du code de procédure civile, qui invite les parties à procéder par voie de signification, concerne la seule notification des décisions de justice.

4. En deuxième lieu, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, elle a relevé que cette disposition avait pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l’exécution des décisions d’assemblée générale.

5. En troisième lieu, elle en a exactement déduit que cette disposition, en l’absence de disproportion avec le droit d’un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l’assemblée générale, ne portait pas une atteinte injustifiée au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, ayant constaté que le procès-verbal de l’assemblée générale du 30 mars 2015 avait été adressé à la société par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 27 avril 2015, cachet de la poste faisant foi, et que cette lettre avait été retournée à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la cour d’appel, motivant sa décision, a souverainement retenu que, bien que la date n’en soit pas renseignée, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l’assignation délivrée le 5 janvier 2017.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Schmitt – Avocat général : M. Sturlèse – Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel –

Textes visés :

Article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Juin 2023