Les développements qui suivent sont pour partie issus dru magazine « Informations Rapides de la Copropriété », n° 688 du mois de mai dernier.
Les troubles de voisinage sont hélas fréquents et inhérents à la vie en collectivité. Dans les très grands immeubles dans lesquels nombreux sont les appartements aux mains de bailleurs, la question est plus délicate encore que lorsque les troubles incombent aux copropriétaires eux-mêmes. Les arguments des plus indélicats d’entr’eux consistent à avancer que le paiement des charges les autorise à vivre dans l’immeuble en toute liberté voire à perturber la quiétude d’autrui. Peut-on agir contre un locataire indélicat et comment ? Plusieurs possibilités s’offrent au syndicat :
1 – Se prévaloir du règlement de copropriété (RC) :
Le locataire est un ayant cause à titre particulier du copropriétaire ce qui signifie que le locataire est provisoirement titulaire d’une partie des droits du propriétaire sur le bien, ce transfert étant opéré sur la base ici d’un contrat de bail.
D’après l’art. 13 de la loi du 10 juillet 1965 :
« Le règlement de copropriété et les modifications qui peuvent lui être apportées ne sont opposables aux ayants cause à titre particulier des copropriétaires qu’à dater de leur publication au fichier immobilier. »
Ce qui signifie que
- le RC s’impose au locataire qui est tenu de le respecter. Il est d’ailleurs recommandé de communiquer un exemplaire du RC à tout locataire lors de la signature du contrat de bail. Cette obligation a maintes fois été reconnue par la jurisprudence
- à condition toutefois que le texte du RC et ses modifications successives, s’il y en a, aient été enregistrées au service de la publicité foncière
Le locataire ne pourra donc se prévaloir d ‘éventuelles clauses de son bail qui contreviendraient au RC (ex. : dans un immeuble dans lequel le RC interdit le développement de toute activité commerciale, le locataire ne pourra se prévaloir d’un bail qui lui autoriserait l’exercice d’une telle activité. )
2 – La « jouissance paisible du locataire » :
Il s’agit d’un obligation imposée au locataire par plusieurs textes :
Le code civil d’abord qui stipule en son art. 1728 CC :
« Le preneur est tenu d’user de la chose louée «raisonnablement», et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention… »
Ensuite l’art. 7 b) de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs… qui précise à son tour dans une longue liste des obligations qui incombent au locataire qu’il est tenu
« … b) D’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location .
Enfin l’ art. 9 de la loi du 10 juillet 1965 fondement essentiel du droit de la copropriété qui précise que
« Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »
Certains RC jugent également utile de rappeler aux occupants qu’un usage paisible des lieux s’impose à eux. C’est dire que le locataire, ayant cause du copropriétaire bailleur est tenu des mêmes obligations et que par un comportement transgressant ces obligations il engage sa responsabilité à l’égard du bailleur, à l’égard des autres occupants de l’immeuble, voire à l’égard du syndicat des copropriétaires.
3 – La faute du locataire et ses conséquences sur le bailleur:
La liste des comportements jugés fautifs pourrait être longue et ne serait pas exhaustive. La jurisprudence dans de nombreuses décisions a qualifié de « fautifs » des comportements soit en raison de leur nature, soit en raison de leur caractère excessif ou outrancier. Ainsi ont été jugés fautifs des comportements injurieux et agressifs à l’égard d’un autre résident, le fait de faire de la musique à des heures tardives et de manière répétée, le fait d’occuper sans droit des parties communes ou d’exercer une activité prohibée par le règlement de copropriété… Dans tous ces cas jugés fautifs, le locataire engage sa responsabilité on l’a dit mais il engage également celle du bailleur. La jurisprudence a ainsi reconnu la responsabilité du propriétaire bailleur lorsque le locataire enfreint par son comportement les dispositions du RC (Cass. 3°Civ. 16 juillet 1996) ou lorsqu’il tarde exagérément à délivrer un congé à son locataire alors que celui-ci perturbait lourdement la quiétude de l’immeuble (CA. Paris 29 mai 1987, D. 1987 IR 167).
Il est donc de la responsabilité du bailleur de tout faire pour faire cesser au plus vite les troubles occasionnés par son locataire. Plusieurs moyens sont à sa disposition :
- le bailleur peut renoncer à renouveler le bail et délivrer un congé en respectant le délai de préavis requis (Cf. art.15 loi du 6 juillet 1989) selon les situations. La décision devra être argumentée et fondée sur un motif « légitime et sérieux ».
- dans le cas de troubles particulièrement importants et sérieux le propriétaire pourra sans attendre la fin du bail saisir la justice afin que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat.
Dans l’hypothèse où le bailleur ne ferait rien pour faire cesser les désordres et notamment lorsque les agissements du locataire sont contraires au dispositions du RC, le syndicat des copropriétaires (Cass. 3° civ. 14 nov. 1985, n° 14-15 577) ainsi que tout copropriétaires individuel (Cass. 3e civ., 8 avril 2021, n° 20-18.327) pourra exercer une action en résiliation du bail . Cette modalité d’intervention est dite « action oblique », c’est la faculté pour le créancier d’une obligation d’exercer les droits de son débiteur en cas de carence de celui-ci (cf. notre art. sur ce site ). Toutefois, pour que l’action oblique soit recevable, il faudra rapporter la preuve de la carence du bailleur.
4 – Et le syndic ?
Le locataire est un tiers au sein de la copropriété ; le syndic ne doit normalement pas interférer dans l’exécution du bail. Cependant, le syndic est tenu à faire respecter les dispositions du règlement de copropriété ; il devra donc intervenir auprès des occupants ou du copropriétaire-bailleur afin de demander que les troubles cessent. Par ailleurs, selon le contexte, le syndic devra envisager l’opportunité ou non d’exercer une action oblique pour le compte de la copropriété