3e Civ., 29 février 2024, n° 22-24.558, (B), FS
Rejet
Action en justice – Action individuelle des copropriétaires – Action tendant à l’annulation d’une résolution d’assemblée générale – Irrecevabilité – Copropriétaire dépourvu de qualité pour agir – Copropriétaire ayant voté le quitus donné au syndic
Le copropriétaire, qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale d’un syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander, en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 12 octobre 2022), Mme [K] (la copropriétaire) est propriétaire d’un lot dans l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 2], soumis au statut de la copropriété, et qui, présentant de graves désordres de structures imposant son étaiement, a fait l’objet d’un arrêté de péril imminent le 15 octobre 2013.
2. Elle a assigné la société Normandie Seine immobilier (le syndic) en indemnisation de préjudices financier et de jouissance subis jusqu’à l’exécution, en 2018, des travaux de réparation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième, cinquième et septième branches
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses troisième et sixième branches
Enoncé du moyen
4. Le syndic fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la copropriétaire certaines sommes en indemnisation de ses préjudices financier et de jouissance, alors :
« 3°/ que le quitus donné par l’assemblée générale des copropriétaires de la gestion du syndic interdit au syndicat des copropriétaires ainsi qu’aux copropriétaires ayant voté en faveur du quitus de rechercher la responsabilité du syndic à raison des faits ou actes portés à leur connaissance lors du vote ; qu’en jugeant que « la mention générale d’un quitus dans les procès-verbaux d’assemblée générale n’est pas de nature à délier le syndic de ses obligations légales d’ordre public et des conséquences responsabilitaires subséquentes.
Le quitus est sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis des copropriétaires », sans rechercher, comme elle y était invitée s’il ne résultait pas des procès-verbaux des assemblées générales de la copropriété versés aux débats par le syndic que les copropriétaires, dont Mme [K], avaient été informés de l’existence de désordres structurels en façade et de la nécessité de réaliser des travaux de reprise, de sorte que le quitus qu’ils avaient donné au syndic mettait la responsabilité de ce dernier à couvert, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil ;
6°/ que seul est indemnisable le préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute source de responsabilité ; qu’en retenant la responsabilité du syndic de copropriété pour avoir tardé à mettre en oeuvre les travaux de réfection de l’immeuble, et en se bornant à affirmer que cette négligence « est à l’origine causale du retard à faire réaliser les travaux, et de la pose d’un étaiement entre la période de 1824 jours comprise entre le 3 octobre 2013 et le 1er octobre 2018 », la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que si les travaux avaient été effectués plus tôt, la pose d’un étaiement, dont la cour d’appel a constaté qu’il avait été mis en place à la suite de la préconisation du BET IDA en octobre 2013, n’aurait pas en tout état de cause été nécessaire et que Mme [K] n’aurait pas subi les préjudices financiers et de jouissance dont elle sollicitait l’indemnisation au titre de la période du 3 octobre 2013 au 1er octobre 2018, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Le copropriétaire, qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander, en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute.
6. La cour d’appel a, dès lors, retenu, à bon droit, que le quitus donné par l’assemblée générale des copropriétaires était sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis de Mme [K], copropriétaire.
7. Elle a, ensuite, relevé qu’en 2010, le syndic avait été alerté sur l’urgence de remédier à des infiltrations causées par le défaut de jointoiement de briques et au gondolement d’une poutre de façade mais qu’il n’avait alors pas sollicité l’avis d’un architecte ou d’un technicien de structure, qu’en 2013, il avait saisi un architecte qui, assisté d’un bureau d’études, avait préconisé la pose en urgence d’un étaiement sur l’ensemble des niveaux afin de stabiliser l’immeuble, et qu’il n’avait pas soumis à l’assemblée générale, avant le 5 octobre 2016, les travaux nécessaires qui, votés, n’avaient cependant été mis en oeuvre qu’en 2018.
8. Elle a pu en déduire que la négligence du syndic, à compter de 2010, était à l’origine du retard de réalisation des travaux et de la pose d’un étaiement qui avait dû être maintenu du 3 octobre 2013 au 1er octobre 2018, et a ainsi légalement justifié sa décision de condamner le syndic à indemniser la copropriétaire des préjudices financier et de jouissance subis.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Arrêt rendu en formation de section.
– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Grandjean – Avocat général : M. Sturlèse – Avocat(s) : Me Soltner ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés –
Textes visés :
Article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
Rapprochement(s) :
3e Civ., 6 mars 1991, pourvoi n° 89-18.758, Bull. 1991, III, n° 79 (2) (cassation partielle) ; 3e Civ., 5 octobre 1994, pourvoi n° 92-19.764, Bull. 1994, III, n° 159 (2) (rejet) ; 3e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 18-10.379, Bull., (cassation partielle).
Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Février 2024