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Détournement de fonds et garantie financière du syndic

COPROPRIETE

3e Civ., 13 juillet 2023, n° 22-14.535, (B), FS

Rejet

Syndic – Responsabilité – Garantie financière – Mise en oeuvre – Référé – Provision – Attribution – Conditions – Obligation non sérieurement contestable

Faits et procédure

1.Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 8 février 2022, RG n° 21/00041), le 31 mars 2018, la société Agences Chauvin immobilier Maurienne (la société ACIM) a informé ses clients, parmi lesquels, le syndicat des copropriétaires de « l’ensemble immobilier » [Localité 5], dont elle était le syndic, de détournements de fonds commis par l’un de ses salariés depuis 2015.

2. Elle a déclaré ce sinistre à sa compagnie d’assurance responsabilité civile, la société Allianz IARD (la société Allianz), et à sa garante financière, la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC).

3. La société ACIM n’ayant pas donné suite à la demande de remboursement des sommes détournées, le syndicat des copropriétaires l’a assignée en référé, ainsi que les sociétés Allianz et CEGC, aux fins de paiement d’une provision correspondant aux sommes détournées majorées du préjudice financier et à titre subsidiaire, d’expertise.

4. Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACIM et désigné la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur, laquelle a été appelée en la cause par le syndicat des copropriétaires.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société CEGC fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer et de la condamner à payer la somme provisionnelle de 231 267,22 euros au syndicat des copropriétaires de « l’ensemble immobilier » [Localité 5], alors :

« 1°/ que la déclaration d’une créance de restitution de fonds prétendument détenus par un professionnel de l’immobilier faisant l’objet d’une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire demeure sans incidence sur l’obligation de mise en oeuvre de la garantie financière obligatoire souscrite par ce professionnel, l’existence de cette garantie serait-elle non contestée ; qu’en jugeant cependant qu’il n’était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l’égard du syndicat des copropriétaires de l’ensemble [Localité 5], pour la circonstance que « la créance a été admise à titre définitif par ordonnance du juge-commissaire », la cour d’appel s’est fondée sur des motifs impropres à établir le caractère non sérieusement contestable de l’obligation de garantie de la société CEGC, violant ainsi le second alinéa de l’article 835 du code de procédure civile ;

2° / que, subsidiairement, la garantie financière obligatoire souscrite par les professionnels de l’immobilier ne peut être mise en oeuvre lorsque la défaillance du professionnel garanti est imputable à ses fautes de gestion, relevant exclusivement de sa responsabilité civile dont les conséquences sont prises en charge par son assureur ; qu’en jugeant cependant qu’il n’était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l’égard du syndicat des copropriétaires de l’ensemble [Localité 5], et que la « garantie responsabilité civile » assumée par la société Allianz, assureur de la société ACIM, revêtait un « caractère subsidiaire » au regard de la garantie financière de la société CEGC, la cour d’appel a tranché une contestation sérieuse relative à l’étendue respectives de la garantie financière de la société CECG et de l’assurance responsabilité civile de la société Allianz, relevant pourtant de champs d’application distincts ; que la cour d’appel a ainsi violé le second alinéa de l’article 835 du code de procédure civile ;

3°/ que, à tout le moins, en jugeant qu’il n’était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l’égard du syndicat des copropriétaires de l’ensemble [Localité 5], sans répondre aux conclusions de la société CEGC faisant valoir que sa garantie financière était exclue puisqu’à supposer que les fonds litigieux aient été remis à titre précaire à la société ACIM, celle-ci les avaient fautivement affectés à d’autres syndicats de copropriétaires pour les besoins d’une opération de « cavalerie », ce qui traduisait l’existence de fautes de gestion relevant exclusivement de la responsabilité civile professionnelle de la société ACIM, et non de sa garantie financière, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 39 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, d’une part, que la garantie financière exigée des personnes exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce s’applique à toute créance ayant pour origine un versement, ou une remise, effectué à l’occasion de l’une de ces opérations, d’autre part, qu’elle produit effet sur les seules justifications que la créance est certaine, liquide et exigible, et que la personne garantie est défaillante, quelle que soit la cause de cette défaillance.

7. Ayant souverainement retenu que l’existence d’un détournement de fonds à hauteur de 231 627,22 euros au préjudice du syndicat des copropriétaires était établie, notamment par un audit comptable et l’admission à titre définitif par le juge-commissaire de la créance pour ce même montant, et relevé que la société ACIM n’avait pas restitué les fonds malgré mise en demeure, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes relatives à l’existence de fautes de gestion de la société ACIM et aux conséquences en découlant quant aux garanties susceptibles d’être mises en oeuvre, en a déduit à bon droit, sans trancher de contestation sérieuse, que l’obligation de garantie n’était pas sérieusement contestable et pouvait donner lieu à l’allocation d’une provision.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Abgrall – Avocat général : M. Brun – Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier –

Textes visés :

Article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ; article 39 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 26 avril 1988, pourvoi n° 86-16.610, Bull. 1988, I, n° 115 (rejet) (2) ; 1re Civ., 21 octobre 2003, pourvoi n° 00-14.659, Bull. 2003, I, n° 200 (rejet), et l’arrêt cité ; 1re Civ., 16 octobre 2008, pourvoi n° 06-16.066, Bull. 2008, I, n° 224 (cassation partielle).

Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Juillet 2023

Notification du procès verbal de l’A.G

3e Civ., 29 juin 2023, n° 21-21.708, (B), FS

Rejet

Syndicat des copropriétaires – Décision – Action en contestation – Délai – Point de départ – Notification – Présentation de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception – Caractère suffisant – Contrôle de conventionnalité – Proportionnalité

En application de l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d’un procès-verbal d’assemblée générale par lettre recommandée avec demande d’avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir.

Une cour d’appel qui, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, relève que cette disposition a pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l’exécution des décisions d’assemblée générale, en déduit exactement qu’en l’absence de disproportion avec le droit d’un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l’assemblée générale, elle ne porte pas une atteinte injustifiée au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 1er juillet 2021), le 5 janvier 2017, la société DESS (la société), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble en annulation de l’assemblée générale du 30 mars 2015, et subsidiairement, de diverses décisions prises lors de cette assemblée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 1°/ que le délai de contestation d’une assemblée de copropriétaires commence à courir le lendemain du jour de la première présentation au domicile du destinataire de la lettre recommandée contenant le procès-verbal de cette assemblée ; que, toutefois, ce délai ne court pas lorsque le pli n’a jamais été retiré, le syndic de copropriété devant, dans cette hypothèse, notifier le procès-verbal d’assemblée générale par voie de signification ; qu’en jugeant que le délai de contestation d’une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, la cour d’appel a violé l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ensemble l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65- 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en relevant d’office, sans provoquer les explications des parties, le moyen tiré de ce que l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-293 du 4 avril 2000, avait pour objectif de sécuriser la gestion des copropriétés, en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l’exécution des décisions de l’assemblée générale, de sorte que ce texte ne portait pas d’atteinte disproportionnée au droit du copropriétaire à un recours effectif et à un procès équitable, la cour d’appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l’article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu’en tout état de cause, un délai d’action ou de recours ne peut courir si l’intéressé n’est pas en mesure d’agir ; qu’en jugeant que le délai de contestation d’une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, et donc même si l’intéressé n’était pas effectivement en mesure d’agir, la cour d’appel a violé l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ainsi que l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu’à tout le moins, tout jugement doit être motivé, et ne peut reposer sur une simple supposition du juge ; que la cour d’appel a elle-même relevé que la date de première présentation de la lettre de notification n’était, en l’espèce, pas renseignée ; qu’en énonçant pourtant qu’au vu de la date d’envoi du courrier, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l’assignation délivrée le 5 janvier 2017, la cour d’appel, qui s’est, ce faisant, livrée à une supposition gratuite, a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. En premier lieu, la cour d’appel a énoncé, à bon droit, qu’en application de l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d’un procès-verbal d’assemblée générale par lettre recommandée avec demande d’avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir, dès lors que l’article 670-1 du code de procédure civile, qui invite les parties à procéder par voie de signification, concerne la seule notification des décisions de justice.

4. En deuxième lieu, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, elle a relevé que cette disposition avait pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu’un copropriétaire puisse, en s’abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l’exécution des décisions d’assemblée générale.

5. En troisième lieu, elle en a exactement déduit que cette disposition, en l’absence de disproportion avec le droit d’un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l’assemblée générale, ne portait pas une atteinte injustifiée au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, ayant constaté que le procès-verbal de l’assemblée générale du 30 mars 2015 avait été adressé à la société par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 27 avril 2015, cachet de la poste faisant foi, et que cette lettre avait été retournée à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la cour d’appel, motivant sa décision, a souverainement retenu que, bien que la date n’en soit pas renseignée, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l’assignation délivrée le 5 janvier 2017.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

– Président : Mme Teiller – Rapporteur : Mme Schmitt – Avocat général : M. Sturlèse – Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel –

Textes visés :

Article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Article extrait du Bulletin de la Cour de Cassation de Juin 2023