⚖️ CCas., Ch.civ. 3°, 24 novembre 2021, n° 20-22.487
Faits et procédure :
M. et Mme [U], M. [W] et la société civile immobilière (SCI) Dufer, ont assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence (X) dans laquelle ils sont copropriétaires en annulation
- des assemblées générales (AG) des 2 novembre 2015 et 18 mai 2016,
- de certaines résolutions (6 et 7) adoptées lors de ces AG
- de l’AG du 1er juin 2015.
Plusieurs décisions prises au cours de ces AG doivent être annulées car, au dire des requérants elles sont entachées de nullité en raison d’une violation manifeste des procédures qui ont présidé à leur adoption, et notamment
- la désignation du syndic (société Cytia) au détriment de la société Laforêt. En l’espèce, deux résolutions successives étaient consacrées à la désignation d’un syndic (société Cytia et Laforêt). Après un second vote favorable obtenu au profit du syndic société Cytia, il avait été décidé que la résolution suivante (concernant la désignation du syndic Laforêt) était sans objet du fait de l’adoption de la résolution précédente. Or en procédant ainsi, la procédure décrite par les art. 25 et 25-1 de la loi du 10 juillet 1965, n’a pas été respectée : « l’assemblée générale doit, pour désigner le syndic, se prononcer sur chacune des propositions, d’abord à la majorité absolue de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 puis, à défaut, à la majorité de l’article 24 de cette même loi ; qu’une irrégularité quant au vote portant désignation du syndic emporte l’annulation rétroactive de la résolution contestée ».
- l’approbation et le vote de travaux alors que les devis proposés par les entreprises concurrentes n’ont pas été joints à la convocation en violation des dispositions de l’article 11 du décret du 17 mars 1967 et que les règles posées notamment par l’art. 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ont en outre été transgressées : « Pour l’application des articles 25-1 et 26-1 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats, elle ne peut procéder au second vote prévu à ces articles qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité applicable au premier vote. »
Le 20 septembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Blois saisi en première instance a donné droit au Syndicat des copropriétaires et rejeté la demande des requérants au motif qu’il est impossible d’annuler ces résolutions, bien que litigieuses, car elles ont déjà pris effet.
Deux ans plus tard, le 21 septembre 2020 la Cour d’Appel d’Orléans a confirmé le jugement rendu en première instance en reprenant les mêmes arguments.
Ainsi pour ces deux niveaux de juridiction la mise en oeuvre d’une décision prise en AG prime sur son irrégularité
S’estimant lésés, les copropriétaires forment un pourvoi en cassation.
Question de droit :
Une résolution d’AG prise de manière irrégulière et au mépris des dispositions légales, peut-elle être annulée alors qu’elle a été exécutée ?
Réponse du juge :
A cette question, et sur chacune des « irrégularités » dénoncées par les requérants la Cour de Cassation, par un arrêt du 24 novembre 2021, a répondu par l’affirmative.
Elle casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Orléans au motif « qu’en refusant de prononcer la nullité des résolutions … relatives à la désignation de la société Citya en qualité de syndic au motif que le mandat donné au syndic avait été exécuté, après avoir pourtant retenu que la résolution (6) avait « été adoptée en violation des dispositions légales susvisées », la cour d’appel a refusé de prononcer la sanction attachée aux irrégularités constatées, privant ainsi de toute efficacité les règles énoncées aux articles 25 et 25-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et à l’article 19 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, qu’elle a violés. »
La Haute Cour casse et annule les décisions relatives au vote de travaux en reconnaissant « que la résolution prise sans qu’aient été jointes les conditions essentielles des contrats et devis proposés pour l’exécution des travaux projetés encourt la nullité ; qu’en refusant de prononcer la nullité de la résolution 12 de l’assemblée générale du 1er juin 2015 au motif que cette résolution avait été exécutée, après avoir pourtant retenu que cette résolution avait « été adoptée dans des conditions irrégulières », la cour d’appel a refusé de prononcer la sanction attachée aux irrégularités constatées, privant ainsi de toute efficacité les règles énoncées à l’article 11 du décret du 17 mars 1967 qu’elle a violé. »
Au visa de ces articles, la haute juridiction reconnaît que l’exécution d’une résolution adoptée en AG ne fait pas obstacle à son annulation. Pour la Cour de Cassation le respect de la régularité de la prise de décision doit primer sur son exécution.
Conclusion :
L’application stricto sensu de ces dispositions n’est pas sans conséquence notamment à l’égard des contrats qui auraient été souscrits de bonne foi par le cocontractant ou encore des travaux engagés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur a introduit dans l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, l’obligation de la purge du délai de contestation pour l’exécution des travaux votés à la majorité absolue de l’article 25 et ceux votés à la double majorité de l’art.26 :
« Les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale.
Sauf urgence, l’exécution par le syndic des travaux décidés par l’assemblée générale en application des articles 25 et 26 de la présente loi est suspendue jusqu’à l’expiration du délai de deux mois mentionné au deuxième alinéa du présent article. »