⚖️ – Cour de cassation 3eme chambre civile 28.09.2022 – Pourvoi n° 21-19.829
Faits et Procédures :
Dans cette affaire, un syndicat des copropriétaires a signé en 2016 un devis avec la société A L’ABRI en vue de réaliser des travaux.
Le 26 mai 2020, faute de paiement de certaines factures, la société a assigné en référé le syndicat en paiement d’une provision correspondant aux factures en litige.
le syndicat oppose une fin de non-recevoir à la société sur la base de la prescription biennale posée par l’art. 218-2 du code de la consommation.
Dans un arrêt rendu le 20 mai 2021 la cour d’appel de Paris donne raison au demandeur (la société A l’abri) et condamne le syndicat à payer la somme provisionnelle de 19.990,64 €.
S’estimant lésé par cette décision, le syndicat des copropriétaires s’est pourvu en cassation au motif que l’article L218-2 du code de consommation ne prévoit pas expressément que la prescription biennale bénéficie aux non-professionnels. Selon lui, le syndicat devrait être considéré comme un consommateur puisqu’il n’agit pas dans le cadre d’une activité professionnelle. La cour d’appel fondant sa réponse sur la qualité de personne morale du syndicat pour exclure l’application de l’article susmentionné (et qui ne vise que les personnes physiques), entraîne une rupture d’égalité entre les administrés se trouvant dans une situation analogue.
Le syndicat sollicite alors le renvoie auprès du Conseil Constitutionnel de la question afin de la déclarer inconstitutionnelle, privant par voie de conséquence l’arrêt de la Cour d’appel de fondement juridique.
Question de droit :
Un syndicat des copropriétaires peut-il se prévaloir de la prescription biennale de l’article L.218-2 du code de la consommation qui bénéficie aux consommateurs pour ne pas payer les factures d’un prestataire ?
La réponse du juge :
A cette question, la 3eme chambre civile de la Cour de cassation le 28 septembre 2022 a tranché par la négative en arguant le fait que l’article L218-2 du code de la consommation s’applique seulement au consommateur. Pour être qualifié comme tel, l’article prévoit qu’il faut être un personne physique agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Le non-professionnel, quant à lui, est une personne morale. Cette différence de statut juridique entre les deux est fondée sur la personnalité morale des non professionnels qui « ne les place pas dans une situation analogue ou comparable à celle des personnes physiques ».
A contrario d’une personne physique, le syndicat des copropriétaires est constitué, en application de la loi du 10 juillet 1965, de trois organes à savoir, le syndic, le conseil syndical et l’assemblée générale. Son fonctionnement est d’ailleurs régi par cette même loi ainsi que par un règlement de copropriété.
La Cour de cassation conclut que le syndicat des copropriétaires n’étant pas une personne physique en raison de son fonctionnement ne peut se prévaloir de la prescription biennale. Ainsi, et au regard de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2022, aucune différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables n’est à déplorer. La question d’inconstitutionnalité n’a pas lieu d’être renvoyée devant le Conseil Constitutionnel puisque ne viole pas l’article 14 de la Constitution.
Conclusion :
Il est à noter que la Cour de cassation procède à une application stricte du texte de l’article L218-2 du code de la consommation. Le syndicat est donc soumis à la prescription de droit commun de 5 ans édictée par l’article 2244 du Code civil, à compter de l’émission de la facture. Il est à déplorer que l’application de l’article L218-2 du code de la consommation se limite de façon restrictive aux personnes physiques alors qu’il semblerait plus juste de s’attacher à l’objet de la personne morale pour l’englober dans une nouvelle définition du consommateur. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat dont l’objet est « la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes » pourrait être considéré comme un consommateur.