Archives mensuelles : juin 2022

Qui peut demander la nullité du contrat de syndic ?

⚖️ Civ. 3e, 9 févr. 2022, FS-B, n° 21-11.197

Tout copropriétaire peut agir en nullité du mandat de syndic en raison du non-respect par celui-ci, pour la période précédant le jour où il est devenu copropriétaire, de son obligation d’ouvrir un compte bancaire séparé.


Les faits :
Le 28 février 2013, Mme N. devient copropriétaire d’un lot dans la copropriété X. gérée par le cabinet de syndic SARL Mallet Guy Immobilier.
Dans les mois qui suivent son acquisition,  Mme N. en relisant les procès verbaux des Assemblées Générales tenues antérieurement à la date d’acquisition de sa qualité de copropriétaire, relève différentes fautes de la part du gestionnaire dont certaines, telle l’absence d’ouverture d’un compte séparé sont susceptibles d’entrainer la nullité de plein droit du mandat de syndic.
Madame N. décide alors  d’assigner la société SARL Mallet Guy Immobilier  en constatation de  la nullité de plein droit de son mandat de syndic et en indemnisation de ses préjudices.

L’affaire sera longue et donnera lieu à plusieurs recours.
En appel, dans un arrêt rendu le 26 novembre 2020, la Cour de Limoges considérera que Mme [M] n’était pas recevable à demander la nullité du mandat de syndic de la SARL Mallet Guy Immobilier “car dépourvue de qualité à agir pour la période antérieure au 28 février 2013, date à laquelle elle avait acquis la qualité de copropriétaire….“
Devant ce rejet, Mme N. décide d’introduire un pourvoi en cassation visant à faire annuler la décision de la Cour de Limoges

La question de droit :
Un copropriétaire peut-il agir en nullité du mandat de syndic pour méconnaissance de la part de celui-ci d’une de ses obligations fondamentales, en l’espèce l’ouverture d’un compte séparé au profit de la copropriété qui l’a mandaté, alors que le copropriétaire requérant n’était pas encore copropriétaire à la date de la forfaiture ?

La réponse du juge :
Le juge de la Haute Cour fonde sa décision sur plusieurs textes :

  • l’art. 18-II de la loi du 10 juillet 1965 qui liste les obligations incombant au syndic dont celle d’ouvrir un compte bancaire séparé au nom de la copropriété qui l’a mandaté
  • l’art. 31 du code de procédure civile qui stipule  : “ L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.“

Considérant que par sa décision,  la Cour de Limoges a violé ces deux textes, la Cour casse le jugement rendu en appel.
Il en ressort que tout copropriétaire  peut agir en nullité du mandat de syndic en raison du non-respect par celui-ci, de l’une de ses obligations fondamentales même si ce manquement a été commis pendant la période précédant le jour où le requérant est devenu copropriétaire à condition toutefois qu’il soit bien propriétaire à la date à laquelle il introduit sa requête car c’est cette qualité de copropriétaire qui fonde son intérêt à agir.

Respect de l’obligation de mise en concurrence

⚖️ Civ. 3e, 9 mars 2022, FS-B, n° 21-12.658

La mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic impose que lorsque plusieurs devis ont été notifiés ils soient soumis au vote de l’assemblée générale. La seule communication des devis ne suffit pas.

Les faits :

Dans la perspective de la réunion d’une Assemblée Générale (AG) le syndic avait notifié aux copropriétaires, dans la convocation qu’il leur avait adressée, plusieurs devis relatifs à la réalisation de travaux de ravalement de façade.

Lors de la tenue de l’AG un seul devis est mis au vote, celui retenu par l’architecte. La résolution est adoptée.

L’un des copropriétaires saisit le Tribunal pour annulation de la résolution en question au motif que seul le devis de l’architecte avait été mis au vote alors que d’autres devis avaient été notifiés.

La question de droit :

Elle est ici très simple. C’est celle de savoir si le fait de notifier divers devis aux copropriétaires lors de la convocation à l’AG, vaut ou non mise en concurrence

La réponse du juge :

La loi de 1965, puis le décret de 1967 posent en ce domaine plusieurs règles.

La loi du  n° 65-557 du 10 juillet 1965 stipule  en son article 21, al. 2 : L’assemblée générale des copropriétaires, statuant à la majorité de l’article 25, arrête un montant des marchés et des contrats à partir duquel la consultation du conseil syndical est rendue obligatoire. A la même majorité, elle arrête un montant des marchés et des contrats autres que celui de syndic à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire.

Le décret du 17 mars 1967 complète ces dispositions pour le cas où l’AG n’aurait pas fait le choix de fixer un seuil de déclenchement de la procédure de mise en concurrence en prévoyant dans un  art. 19-2  : “La mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic, prévue par le deuxième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l’assemblée générale n’en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises.

Ces textes donneront lieu à plusieurs interprétations.

  • En appel, le juge refusera l’argument du plaignant au motif que la convocation à l’AG comportait bien plusieurs devis ; que cette communication  avait permis aux copropriétaires de s’informer largement, de comparer les prestations proposées et donc de se prononcer en parfaite connaissance de cause sur le seul devis soumis in fine à leur vote. Pour lui la notification des devis valait mise en concurrence.

Insatisfait par la décision d’appel le plaignant décida de saisir la Haute Cour.

  • Celle-ci fit droit à sa demande en cassant la décision rendue en appel. Elle précisa en effet que la mise en concurrence ne « résulte » pas de la demande de plusieurs devis, mais est seulement entamée par cette démarche. La sollicitation de plusieurs devis relève de la demande de mise en concurrence. Elle ne saurait constituer la mise en concurrence elle-même. Sans doute le maître d’œuvre pourra-t-il le moment venu exprimer sa préférence et les raisons qui l’animent afin d’éclairer les copropriétaires mais, il ne saurait décider à leur place en choisissant, avec le syndic,  de ne soumettre qu’un seul devis au vote de l’AG.  En l’espèce que le maître d’œuvre (l’architecte) ait procédé à la comparaison et à l’appréciation des divers devis pour en sélectionner finalement un, ne constitue pas une réelle mise en concurrence. L’admettre serait priver l’AG de ses prérogatives décisionnelles et souveraines.

Responsabilité du syndicat des copropriétaires … ou responsabilité d’un copropriétaire

⚖️ Civ. 3e, 26 janv. 2022, FS-B, n° 20-23.614

Un copropriétaire peut agir en responsabilité délictuelle contre un autre copropriétaire en raison des dommages qu’il subit même si ces dommages  trouvent leur cause dans une partie commune dont celui-ci a la jouissance privative. 

Les faits :

L’espèce se situe dans un immeuble en copropriété dans lequel certains appartements jouissent d’une terrasse. D’après le règlement de copropriété et le régime traditionnel des terrasses et balcons en copropriété, ces terrasses sont déclarées “parties communes à jouissance privative“.

L’un des copropriétaires est victime d’infiltrations en provenance de la terrasse de l’un de ses voisins. Le copropriétaire lésé assigne son voisin en justice pour obtenir réparation de son préjudice.

La Cour d’appel saisie rejette la demande de la victime au motif que l’action intentée contre le propriétaire de la terrasse fuyarde aurait dû l’être contre le syndicat des copropriétaires. La demande est donc irrecevable car, argumente le juge du fond, “un copropriétaire n’a pas qualité pour répondre de désordres provenant de parties communes même s’il en est le gardien, et  quand bien même il en aurait la jouissance exclusive“.

Le conflit est alors porté devant la Cour de cassation

Le problème de droit :

Le syndicat des copropriétaires a-t-il seul qualité pour répondre du préjudice trouvant son origine dans les parties communes d’un immeuble dont un autre copropriétaire a la jouissance exclusive ? Ou bien l’action en réparation peut-elle être dirigée contre ce copropriétaire ?

La réponse du juge :

Ce cas d’espèce voit la mise en oeuvre des art 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965 :

Art. 14 al.5 : Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

Art. 15 al. 2 : Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic.

Le juge de la Haute Cour cassera la décision de la Cour d’Appel. En effet rappelle-t-il “la responsabilité du syndicat des copropriétaires au titre de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 n’est pas exclusive de la responsabilité délictuelle encourue par un copropriétaire.“

Un copropriétaire peut donc agir directement à l’encontre d’un autre pour des dommages trouvant leur origine dans des parties communes même si celles-ci sont placées sous la garde et la jouissance exclusive d’un autre copropriétaire. Cette action se fonde  sur la théorie des troubles anormaux de voisinage ou de la responsabilité délictuelle.

Quand le mandat du syndic s’achève-t-il ?

⚖️ C. Cas., 3° civ, 22 septembre 2004, n° 02-21416

Le mandat de syndic prend fin à l’arrivée de la date exacte du terme de son contrat

Les Faits :

Au cours de leur Assemblée Générale (AG) annuelle tenue le 22 mai 1997,  les copropriétaires de la résidence N. ont renouvelé le mandat du syndic gestionnaire (Société SATRAG) pour une durée de 1 an. Les comptes de l’exercice de cette copropriété  sont calés sur l’année civile et sont donc clôturés au 31 décembre de chaque année. La prochaine AG qui devra approuver les comptes de l’exercice clos (1997)  devra donc se tenir au plus tard le 22 mai 1998.

La société SATRAG convoque la prochaine AG pour le 8 juin 1998. Au cours de cette AG son mandat n’est pas renouvelé. Le 12 juin 1998, la société SATRAG convoque en urgence une nouvelle AG pour le 24 juin 1998. A l’occasion de cette nouvelle AG elle obtient le renouvellement de son mandat.

Or considérant qu’ils n’ont plus de syndic depuis le 22 mai 1998, trois copropriétaires  saisissent la justice  pour désignation d’un administrateur provisoire à charge pour lui de réunir une nouvelle AG en vue de la désignation d’un nouveau syndic. Une ordonnance leur fait droit le 23 juin 1998. Le 26 novembre 1998 une nouvelle AG est réunie et désigne le cabinet POSTIC comme syndic.

Ces différentes “gesticulations“ ont conduit le syndicat des copropriétaires à engager des frais.  Considérant qu’il a été ainsi lésé du fait de  la poursuite de son activité de syndic sans droit car au-delà de la limite de son mandat, le syndicat assigne la société SATRAG pour remboursement de ces sommes…

Le 26 septembre 2002, la Cour d’Appel accueille favorablement la demande du syndicat au motif que le mandat de la société SATRAG ayant été renouvelé pour un an le 22 mai 1997, celui-ci s’est achevé le 22 mai 1998. Dès lors, la société SATRAG ne pouvait après cette date convoquer une AG en toute légalité  ; la cour condamne ladite société au paiement des sommes engagées par le syndicat du fait du maintien illicite de l’activité de syndic de la société Satrag.

La société SATRAG introduit alors un pourvoi.

La question de droit :

A quel moment le contrat de syndic prend-t-il fin ?

Est- ce à la date exacte d’arrivée du terme de son mandat (c’est ce qu’a retenu la Cour d’Appel) ?

Ou bien, la durée maximale du mandat de syndic, telle qu’autorisée par les textes (art. 28 décret n° 67-223 du 17 mars 1967), étant de trois ans,  lorsque le syndic est renouvelé pour une année seulement son mandat n’expire que lors d’une AG, qui après épuisement de l’ordre du jour  refuse son renouvellement (c’est l’argument avancé par la société appelante).

La réponse du juge :

Le juge rejette l’argument avancé par la société SATRAG  et déclare irrecevable le pourvoi qu’elle forme   ;   elle confirme la décision précédemment rendue en appel.

QUI ASSIGNER … Syndicat ou Syndic ?

⚖️ Cas., 3° civ., 17 novembre 2021, n°20-21.482

Le copropriétaire victime de dégâts dont l’origine se trouve dans des parties privatives doit assigner le syndic gestionnaire en tant que représentant du syndicat des copropriétaires.

Les faits:

Monsieur N. est copropriétaire dans la copropriété (X) gérée par le syndic “Quadral immobilier“.

Monsieur N. se plaint d’infiltrations provenant d’une terrasse relevant des “ parties communes“ d’après le règlement de copropriété de la résidence. Le 11 septembre 2018,Monsieur N. assigne la société Quadral immobilier, « ès qualités de syndic de la copropriété » en condamnation à effectuer les travaux de réfection de la terrasse fuyarde.

Dans un arrêt du 9 juillet 2020, la Cour d’Appel de Metz, déclare l’irrecevabilité de l’action au motif que si l’assignation délivrée le 11 septembre 2018 a été délivrée à la société Quadral immobilier, ès qualités de syndic de la résidence (X), aucun acte n’a été délivré au syndicat des copropriétaires lui-même. La Cour en conclut que les actions en justice doivent être diligentées contre le syndicat des copropriétaires et non directement contre son syndic.

Monsieur N. contestant la décision redue par la Cour d’Appel, introduit un pourvoi devant la Haute Cour au motif “que le syndic représente le syndicat des copropriétaires ; qu’en l’espèce, pour déclarer irrecevable l’action de M. [N], la cour d’appel a retenu que si l’assignation délivrée le 11 septembre 2018 a été délivrée à la société Quadral immobilier, ès qualités de syndic de la copropriété (X), aucun acte n’a été délivré au syndicat des copropriétaires lui-même ; qu’en statuant ainsi, alors que le syndic avait été assigné non pas à titre personnel mais ès qualité de représentant du syndicat de copropriété, la cour d’appel a violé les articles 15 et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965“.

Or, que disent respectivement ces textes au sujet des structures impliquées  :

  • art. 15 : Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble.“
  • art. 18 : “Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d’autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l’assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l’article 47 ci-dessous :….de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice dans les cas mentionnés aux articles 15 et 16 de la présente loi…“

La question de droit :

L’action en justice introduite par un copropriétaire pour condamnation à exécution de travaux de réparation sur des parties communes d’un immeuble géré en copropriété doit-elle être introduite contre le syndicat des copropriétaires ou contre le syndic gestionnaire ?

La réponse du juge :

La Cour rappelle d’abord qu’au terme de l’art. 15 de la loi du 10 juillet 1965 “le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en justice tant en demande qu’en défense“. Il précise ensuite que  “selon le second (art. 18), le syndic est chargé de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice“.

Elle conclut : “En statuant ainsi alors qu’elle (la cour d’appel) avait relevé que le syndic avait été assigné en qualité de syndic du syndicat des copropriétaires, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés car le syndic avait été assigné non pas à titre personnel mais ès qualité de représentant du syndicat de copropriété“.

La Haute Cour casse et annule la décision rendue en appel par la Cour de Metz le 9 juillet 2020, remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Colmar .